Friday, November 9, 2012


GÎT-LE-CŒUR.  Ici, gît le cœur. ¶ Le Cœur de qui, de quoi? Tu me manques, cœur inconnu, aux accents hésitants, aux ballotements incessants. Je voudrais retrouver ton côté organique, viscéral, mais planqué derrière ta cage thoracique, tu ne fais que m'exhiber tes artères, ton mécanisme: à force de te sentir faiblir, t'emballer de temps à autres, tu me mènes en bateau et me fait croire à une vivacité que tu n'as pas. ¶ Tu es faible. ¶ Tu t'essouffles & tu me malmènes à chaque changement d'humeur. Tu es ma mécanique et pourtant, je ne peux pas compter sur toi. Je sens que tu te détaches & qu'au moindre écart, tu n'hésiterais pas à dire "Stop. Cela suffit. J'en ai assez eu, de tes angoisses, de tes excès. Je ne peux plus le supporter. Je quitte la navire & tant pis si tu sombres. Tu l'auras bien cherché." C'est faux. Je ne l'ai pas cherché. C'est mon sang qui l'a charrié, ce sont mes racines qui t'on mené jusqu'ici. Cette sensibilité, je la subis autant que toi, ne crois pas que je l'en vante, de cette fragilité, car je ne l'ai pas choisie. Je ne peux que vivre en la portant en toi, bouclier & point le plus vulnérable de mon être. ¶ Laisse-moi un peu de répit. 

Monday, November 5, 2012

ASHES TO ASHES


IL FAUT QUE je me crée un nouveau langage, fait de sifflements & de haut-bois, de frémissements de feuilles & de syllabes désarticulées; je ferai se recontrer des mots qui n'auraient jamais dû aller de paire, des unions interdites scellées dans l'obscurité & les ombres de ma caverne. Pourquoi en sortir après tout? Ces silhouettes me parlent bien plus que les fantômes extérieurs, elles me racontent des histoires merveilleuses & non des faits dénués d'imagination. C'est la malice qui les anime & quelle étincelle est plus belle? Le reste n'est que cendres, eux et leur discours de poussière qui empâte la bouche & assèche la gorge. Autant parler à un cendrier. & le feu qui les a consumés, où est-il? Pourquoi a-t-il fallu qu'il s'éteigne? A moins qu'une allumette ait suffi à tout embraser, mine de rien, arrivée de nulle part, insufflant au brasier le regret de l'absence. Il n'était pas désiré. Il n'a plus qu'à suffoquer.


WELL, HERE I GO AGAIN


DE TOUT CE QUI EST MA SENSIBILITÉ, est-ce vraiment cela que je voulais? Ce serrement à la poitrine, ce moment de doute intense, alors même que j'avais oublié tout ça, que je l'avais enfoui aussi profondément que possible sous les souvenirs & les couches de peau, le voilà qu'il me prend par surprise au détour d'un paragraphe. La sécurité que me procurait la lecture s'est enfuie.  Mais à présent que je vois le chemin que j'emprunte, n'était-ce pas bénéfique? L'anesthésie m'aurait tenue longtemps si Aomamé ne m'avait pas enfoncée son aiguille dans la nuque. Et ce sommeil, d'où est-il venu en premier lieu? De la sécurité dans laquelle je me suis retrouvée? Le confort est toujours propice à l'abrutissement; dorénavant, mon moteur sera la musique, cette chère inconnue. Voir si David ne pourrait pas me frayer un chemin, aussi dingue que celui qu'il a emprunté, ça me plairait d'aller divaguer dans ces vieux bâtiments industriels aux poutres en acier & rencontrer Jim sur le chemin, errant lui aussi, prenant son temps, comme à son habitude.  Finalement, ce n'est pas tant mes mondes le problème que mes modes d'expression, qui ne s'adaptent pas.




Monday, April 16, 2012

THERE'S NO DIRECTION HOME



BOB, où m'emmènes-tu? J'aimerais avoir ton sourire incisif, tes intonations chantantes, ton regard, à la fois vide et intense, comme possédé. Et alors j'enfilerai tes bottes et emporterai ton harmonica dans une fuite effrénée vers nulle part, qui sera mon chez-moi; nulle part, avec des champs de coton en flammes, des étincelles incandescentes flottant dans la nuit auprès des mythes indiens et de leurs chants entêtants, des flammes à saisir, je les regarde expirer entre mes doigts. Aucune douleur, mes nerfs ne sont que plastique, ils ont déjà fondu d'ailleurs, alors que mes mains, ces grandes araignées s'agitent en quête de la même chaleur, encore et encore. Et ce sera l'aube et il ne restera rien d'autre qu'une étendue calcinée, magnifique dans sa noirceur carbonisée, avec cette odeur de cendres tièdes alors que le soleil darde des rayons rouge écarlate sur la fumée s'élevant lentement de la terre. Le sol crisse sous mes pieds, de petits cris d'agonie s'échappent encore des branches pleines de sève; elle me colle les doigts. Du bout de la langue, le goût m'électrifie la rétine, la rate, un éclair de vie se vengeant sur ce qui, à l'intérieur, est bel et bien mort. Mort, Bob, tu es mort cent fois, je t'ai vu dans ton cercueil, les bras en croix, les yeux grand-ouverts et tournant dans leurs orbites: ils ne s'en tireraient pas comme ça, la terre, tu connais, tu ne les laisserais pas te foutre dessous. Bob, la vie, comment la prendre? Je veux la malmener autant qu'elle m'en fait voir, sortir de l'usine et rejoindre l'incendie, qu'il me brûle.



Saturday, March 31, 2012

ABOUT THE USE OF IRONY IN PHYSICS



SI LA DÉCHIRURE EST SI PROFONDE, c'est que nous l'avons bien cherché. À se tourner autour, en quête d'une pique à lancer, en attente de la réplique cinglante, l'indifférence n'est pas de mise. Elle serait la fin du jeu, la fin du lien qui s'est peu à peu enraciné, nos mauvaises herbes communes entrelaçant leurs épines. Alors? Lorsque notre temps sera écoulé, quand toute forme de jeu sera révolue, que restera-t-il? Des jeux de mots incisifs, des phrases en suspens. Une tendresse infinie. Danser sur votre tombe ne m'enchante guère, au final, je serai plutôt là à ramasser mes larmes tout en me drapant dans ce qui me reste de dignité; les yeux bouffis la font fuir, en général. Je n'écrirai plus de missiles mais bien des missives, douces, caressantes.De toute façon, vous ne pourrez plus y répondre, du fond de votre trou, vous serez trop occupé à manger les pissenlits par la racine. Je n'arrive pas à me l'imaginer, à vrai dire. Je me repose tant sur ces coups de griffe et morsures pour de faux que j'ai le sentiment de me voir enlever une partie immuable de ce qui me fait tenir. D'autres finiront par vous remplacer, d'autres finiront par me remplacer, peut-être. Mais le sentimentalisme, c'est chiant à mourir. Sale vieux con de vautour, je ne vous hais pas tant que ça.


Saturday, January 14, 2012

FRIDAY 13TH.





Je m'en veux de ne pas avoir réussi à tout te dire, à t'expliquer en quoi il fallait absolument que ça s'arrête. J'avais surtout l'air bancale, avec mes grands bras et mes grandes jambes, et mes tout petits mots. Pour un garçon corbeau, j'avais bien plus l'allure d'un épouvantail.
En fait, j'aurais préféré qu'il y ait du drame, des effusions, des pleurs et des cris, plutôt que cette compréhension du 'je m'y attendais'. Au moins, les mots seraient sortis, les grands. Mais tu ne me touches plus, le contact même était absent, même en essayant de renouer une dernière fois. Je crois que quand-même, tu vas me manquer.
Que veux-tu que je te dise. "C'était cool".


Sunday, November 20, 2011

FLAMES IN MY HAIR, FIRE IN MY CHEST


Et si, on se laissait couler? Quelle importance, de toute façon. On finit tous dans le même état. En boîte. Entouré de plein d'autres boîtes, sous une stèle de marbre, histoire d'être sûr qu'on n'en sorte pas, par erreur, on ne sait jamais, on ne va pas prendre de risques, avec toutes ces choses bizarres qui arrivent, on ne sait jamais. Avec deux trois pauvres roses en plastique ternies par la pluie, salies par la boue, qui s'ajoutent à la misère de l'épitaphe, le plus souvent une sordide phrase poétique, accompagnée d'une colombe arthritique en bronze. Avec un peu de chance, une petite vieille vient dépoussiérer la tombe de temps en temps et se prendre en photo devant sa prochaine demeure, fière du travail accompli.
Deuxième résidence: petite boîte, sur une cheminée ou une commode, voire un buffet, ces meubles tristes qui n'ont pas la moindre utilité et qui sont là à cause de précédentes personnes réduites à l'état de boîte, un héritage. Un buffet, ça pue la mort, ça empeste, la grande-tante morte de syphilis pourrait en sortir pour faire des claquettes et remuer un peu sa vieille carcasse défraîchie. Bref, des meubles délégués aux morts, accompagnés d'une portrait encadré à en faire frémir Martin Parr, le visage aplati par le flash, les yeux rougeoyants, fous on dirait, les joues luisantes et un brillant sourire carnassier, qui reflète beaucoup mieux l'état futur après quelques mois de décomposition que la candeur de la vie. Bienheureux dans leur néant, les corps en conserve ne se doutent de rien, arborant la sérénité de la tâche accomplie. Alors que leur image est dilapidée, ils sont là, immobiles. Silencieux. Enfin tranquilles.

&

Le deuil. Se raccrocher à tout ce qui traîne, en espérant garder un peu de l'essence du disparu, penser y trouver du réconfort, mais finir inexorablement avec un goût amer, et salé. La même pensée tourne en boucle. "Tu seras toujours là, et tu pleureras à mon mariage, comme tu l'as fait pour ta fille; parce-que tu as toujours été là, et que tu le seras toujours". On a beau s'y habituer un jour, l'effleurer déclenche inévitablement le serrement de gorge annonciateur du drame. C'est là que l'absence devient tellement évidente. Tant qu'on n'y touche pas, elle va-de-soi. On se rend compte de tout ce que cette mort veut dire, et surtout, que tu ne pleureras pas à mon mariage, comme tu l'as fait pour ta fille, parce-que tu ne seras plus jamais là.